Charge cognitive, fatigue mentale et performance décisionnelle dans le cyclisme professionnel : vers une approche intégrée du monitoring neurophysiologique

Charge cognitive, fatigue mentale et performance décisionnelle dans le cyclisme professionnel : vers une approche intégrée du monitoring neurophysiologique

Dans le cyclisme professionnel, la performance ne se limite plus aux seules dimensions physiologiques classiques telles que la VO2max, la puissance critique ou l’efficacité métabolique. Un nombre croissant de travaux de recherche mettent en évidence l’impact de facteurs neurocognitifs, et notamment de la fatigue mentale, sur la capacité à maintenir un haut niveau de performance, en particulier lors d’étapes prolongées ou tactiquement complexes.

Définition de la fatigue mentale et implications

La fatigue mentale est définie comme un état psychobiologique résultant d’un engagement prolongé dans des activités nécessitant un contrôle attentionnel soutenu. Elle se traduit par une diminution des ressources cognitives disponibles, une altération du traitement de l'information et une réduction de la tolérance à l’effort perçu. Des études (Marcora et al., 2009 ; Van Cutsem et al., 2017) ont démontré que la fatigue mentale peut entraîner une réduction significative de la performance physique, indépendamment des paramètres physiologiques périphériques.

Cyclisme et surcharge cognitive

Dans le contexte du cyclisme professionnel, la surcharge cognitive survient notamment dans les phases de course stratégiques, marquées par une forte exigence en matière de prise de décision : lecture de course, anticipation des mouvements adverses, gestion du positionnement et adaptation aux directives radio. Ce traitement informationnel soutenu, en interaction avec la fatigue périphérique, augmente le risque d’erreurs tactiques, d’accidents ou de réponses inefficaces à des situations de rupture.

Corrélats neurophysiologiques de la fatigue mentale

Sur le plan biologique, la fatigue mentale est associée à une modulation de l'activité corticale, notamment une élévation de l’activité dans les zones frontales (aires liées au contrôle exécutif) et une altération des circuits dopaminergiques. Le suivi de marqueurs objectifs tels que la variabilité de la fréquence cardiaque (HRV), la concentration en alpha-amylase salivaire, ou encore l’analyse des ondes EEG en situation d'effort permet une évaluation indirecte mais pertinente de l’état neurocognitif de l’athlète.

Vers un monitoring intégré

La littérature récente encourage une approche intégrée du monitoring de l’athlète, combinant à la fois des indicateurs de charge physique (TSS, puissance, fréquence cardiaque), des marqueurs subjectifs (RPE, questionnaires BRUMS ou POMS) et des indices neurocognitifs (performance à des tests Stroop, Go/No-Go ou TMT en pré et post-entraînement).

Des solutions technologiques comme les plateformes AthleteMonitoring, Whoop ou Oura permettent d’approcher indirectement cette dimension, mais les dispositifs de neurofeedback embarqués, bien que encore peu diffusés, représentent une piste prometteuse pour quantifier en continu l’état de vigilance cognitive.

Applications pratiques en contexte compétitif

Les données disponibles suggèrent l'intérêt de moduler les charges cognitives à l’entraînement, par exemple via l’ajout de contraintes décisionnelles ou de double-tâches cognitives durant les exercices à haute intensité. De plus, des stratégies de récupération cognitive (respiration diaphragmatique, méditation guidée, régulation du sommeil, contrôle du temps d’écran) devraient être intégrées dans les protocoles de régénération, en particulier sur les Grands Tours.

Conclusion

Dans un contexte où les écarts de performance sont de plus en plus étroits, intégrer le facteur fatigue mentale dans le suivi de l’athlète représente un levier de différenciation. La performance décisionnelle et la résilience cognitive doivent désormais être envisagées au même titre que les paramètres cardio-métaboliques, dans une logique d’écologie cognitive appliquée à la performance cycliste.